Wednesday, November 21, 2012

Nous avons dix-huit ans

C'est mon antre, un lieu où nul autre membre de la famille ne peut entrer.
Ma chambre de jeune homme fait office de bureau, d'échoppe à rêves, de salon de musique.
K. est venu l'autre soir y partager avec moi des émotions : musique slave d'un autre temps en fond sonore d'une étreinte inattendue, inespérée, sauvage.
A côté, au salon, devant la télévision, "ils" ne se sont doutés de rien, attirés tels des phalènes par la lumière vive de l'écran où s'agitaient inutilement les silhouettes illusoires du "divertissement".
Nous sommes restés immobiles, en amalgame, sur le petit lit, puis nous sommes levés d'un bond, n'y tenant plus, pour aller nous aimer ailleurs, là-bas, au pied du phare, dans sa voiture, car, impécunieux, nous n'aurions pu acquitter le prix d'une chambre d'hôtel. Nous n'oublierons jamais la fulgurance de l'échange, le battement lancinant de nos cœurs, l'inconscience juvénile qui nous fit oublier que l'on eût pu nous surprendre, dépenaillés, dans notre abri dérisoire. Nous avons dix-huit ans.

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